Le nouveau film réalisé par Paul Thomas Anderson, sorti en salles le 24 septembre dernier, enchante la critique et fait parler de lui. Que ce soit du côté de la presse ou des spectateurs, les retours sont majoritairement dithyrambiques et certains le considèrent même comme l’un des meilleurs films de 2025, si ce n’est le meilleur. Une bataille après l’autre mérite-t-il vraiment la hauteur de son succès ?
Le réalisateur de Licorice Pizza livre cette fois une fresque à la fois politique et intime dans laquelle Bob Ferguson (Léonardo Dicaprio), ancien révolutionnaire radical menant une vie recluse jusqu’à la disparition de sa fille, qui le force à replonger dans les fantômes de son passé révolutionnaire. Entre paranoïa, violence et quête de rédemption, il découvre que certaines batailles ne se terminent jamais.
Le scénario aborde pleinement des sujets et thématiques pertinentes dans l’ère du temps avec la montée du fascisme et des suprémacistes blancs, la révolution de la jeunesse à différentes époques, la question raciale ainsi que l’héritage et le flambeau familial, Chase Infinity y interprétant notamment une jeunesse en rupture, entre admiration et colère. A première vue, on peut penser qu’avec autant de thématiques abordées, le film peut avoir tendance à se perdre dans un manque de profondeur en survolant les idées qu’il traite. Une Bataille après l’autre dément tout à fait cette idée en développant chacune de ses idées avec briau. Paul Thomas Anderson met en parallèle Une Bataille après l’autre avec la réalité dans laquelle nous vivons par cette Amérique fictive dépeinte, dont la proximité avec l’Amérique actuelle est des plus angoissante et inquiétante. Ouverture du film sur une manifestation réprimée violemment, secte néo-fasciste au centre du film, et actions gouvernementales contre la révolution. Impossible de ne pas penser à l’arrestation de salariés par la police de l’immigration (ICE) en septembre 2025, lancée par Donald Trump ainsi qu’à l’assassinat de Charlie Kirk le 10 septembre dernier. Sans jamais idéaliser les révolutionnaires, Une bataille après l’autre se place à leurs côtés, avec une intelligence dans le dialogue et dans le nuancement de chaque personnage que peu de films parviennent à atteindre. Par exemple, l’interprétation de Sean Penn (colonel Steven J. Lockjaw) qui crève véritablement l’écran, dans une scène finale où il affirme, au travers de son jeu d’acteur, l’immortalité du fascisme.
Si le scénario est excellemment exploité dans son intégralité, la mise en scène l’est tout autant. Filmé en 35mm avec la Vistavision (qu’on a l’habitude de voir de plus en plus au cinéma depuis sa renaissance en 2023 dans les studios hollywoodiens), l’expérience est unique. Paul Thomas Anderson alterne entre une caméra portée nerveuse dans les séquences militaires et des plans fixes pour les moments d’introspection englobés dans une qualité rythmique minutieuse pour les moments de course-poursuite. Montage alterné, maîtrise du flou, symbolisme de chaque plan dans des mouvements circulaires de caméra imageant la répétition des luttes, le combat social se rejoue perpétuellement sous nos yeux.
La photographie de Michael Bauman (qui travaille avec le réalisateur depuis Licorice Pizza) est accompagnée de couleurs brunâtres, terreuses, rappelant la désillusion politique des révolutionnaires. A contrario, la luminosité retrouve ses couleurs scintillantes lorsque l’on revient à des flashbacks, permettant de raviver l’espoir et l’idéalisation de la jeunesse. Une bataille après l’autre montre que les combats se répètent, inlassablement, que même les morts semblent revenir pour nous le rappeler. Pourtant, dans ce cycle sans fin, Paul Thomas Anderson glisse une promesse : tant qu’il restera quelqu’un pour se lever, pour croire, pour aimer, il restera de l’espoir. Et c’est à nous de le faire vivre.
Image de couverture © Warner Bros.